L’Inde est l’invité d’honneur du défilé du 14 juillet. Paris cherche en effet à renforcer ses relations militaires et diplomatiques avec l’Etat le plus peuplé du monde. Mais cet amour nouveau pour l’Inde n’est rien à côté des attentions qu’accordent les Etats-Unis au sous-continent. Malgré une histoire tumultueuse, l’Inde des années 1970 et 1980 clairement à proximité avec l’Union soviétique, le choix délibéré de Washington, amorcé sous la présidence Trump et poursuivi sous celle de Biden, de découpler les économies chinoises et américaines à fait monter la côte du couple indo-américain.
Le miracle indien sur lequel surfe avec succès Narendra Modi est le fruit d’une conversion tardive mais résolue à l’économie de marché et à la mondialisation, en 1992, sous l’impulsion du ministre des Finances d’alors, Manmohan Singh. Il n’est devenu prégnant aux yeux du monde que ces dernières années, tant le sous-continent souffrait de la comparaison avec son voisin chinois. Alors que l’Inde avait un PIB par habitant supérieur à celui de la Chine en 1990, il est près de cinq fois inférieur aujourd’hui. Mais les perspectives sont désormais inversées. La croissance annuelle sur la décennie 2022-2030 devrait être de 6,3 % en Inde contre 4,3 % en Chine. Cette dernière a déjà été doublée en matière de population, et l’âge moyen y est de dix ans supérieur, 38 ans contre 28 ans en Inde. Fin juin, le Premier ministre indien Narendra Modi était à Washington, où il a rencontré le président Biden et prononcé un discours devant le Congrès, qui l’a largement applaudi, sur les bancs tant démocrates que républicains.
La croissance du secteur technologique indien a commencé dans les années 1990, lorsque l’Inde est devenue un acteur majeur de l’externalisation informatique. Grâce à la mise en place d’un enseignement technique par le biais des instituts indiens de technologie dans les années 1950 et 1960, le pays a pu compter sur une main-d’œuvre éduquée en langue anglaise et à faible coût. Cette industrie a encouragé un écosystème de start-up dynamiques, dont certaines ont des activités internationales (Freshworks, Zoho, Icertis…). Le nombre de licornes indiennes est passé en trois ans de 40 à 108, s’approchant de celui de l’Europe (128).
Collaboration étroite
L’Inde, ce sont aussi de nombreux talents qui émigrent. En 2021, les Indiens ont imposé les trois quarts de toutes les attributions de visas H1B aux Etats-Unis. Les dirigeants d’Alphabet, ainsi que de ses filiales Google Cloud et YouTube, de Microsoft, IBM, Adobe ou encore SAP sont nés en Inde. La diaspora indienne aux Etats-Unis compte désormais plus de 4 millions de personnes. Elle est devenue le groupe ethnique le mieux rémunéré et le plus instruit du pays. Cette proximité entre les deux nations a pris un tournant politique depuis quelques années, l’Inde étant sommée de choisir un partenaire quel technologique elle veut donner la priorité entre les Etats-Unis et la Chine, deux partenaires commerciaux quasi identiques, les échanges de biens et services s’établissant réciproquement à 190 et 130 milliards de dollars.
Le choix est fait. En 2020, après une série de différends frontaliers avec la Chine, le gouvernement indien a banni des dizaines d’applications chinoises, dont TikTok. La même année, Meta a dépensé 9,99 % de l’opérateur de télécommunications Jio, qui a bouleversé le secteur en offrant des services de données haut débit à bas prix, pour 5,7 milliards de dollars.
Depuis, les signes d’une collaboration étroite entre les Etats-Unis et l’Inde se multiplient, dans les technologies tant militaires, l’Inde appartenant à l’instance stratégique Quad avec l’Australie, le Japon et les Etats-Unis, que civiles. L’initiative américano-indienne sur les technologies critiques et émergentes, a annoncé l’année dernière, a renforcé les liens entre les écosystèmes d’innovation.
Biden et Modi ont ainsi annoncé de nouvelles collaborations en matière de défense et un accord qui permettra aux navires de la marine américaine d’entreprendre des réparations majeures dans les chantiers navals indiens, malgré les restrictions importantes à l’exportation sur l’Inde, instituées après la violation par l’Inde du Traité de non-prolifération nucléaire en 1998, prévenir le libre transfert de technologie. Côté industries civiles, le choix d’Apple de faire de l’Inde sur sa plateforme d’assemblage de ses appareils, au même titre que la Chine, est un marqueur de l’avenir prometteur de l' »Indiamerica ». En 2027, la moitié des iPhone du monde devraient y être produits, contre moins de 5 % aujourd’hui.
* Robin Rivaton est directeur général de Stonal et membre du conseil scientifique de la Fondapol