Au début de la guerre en Ukraine, on craignait une cyberguerre totale avec le risque d’un blackout complet. Plus d’un an après le début de l’invasion russe, le Kremlin n’a pas réussi à déstabiliser Kiev sur le plan numérique.
Outre le piratage du satellite de communication KA-SAT, fournisseur d’accès internet par satellite, il y a eu le déploiement de six différents Wiper, des logiciels destructeurs qui effacent les données.
« Leur sophistication est inexistante, parce que dans un conflit chaud, vous n’avez pas le temps de prendre des mois pour la réflexion, les tests… Même si l’effet des Wiper n’est pas génial, leur utilisation fréquente – combinée à d’autres actions de la part de volontaires avec des connivences avec des États – permet de tenir les gens dans une situation de tension, ça use », explique Rayna Stamboliyska, experte en diplomatie numérique et consultante en cybersécurité, mercredi dans La Matinale de la RTS.
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Aide de certains GAFAM
Face à ces attaques répétées, la cyberdéfense ukrainienne a tenu le choc. L’aide logistique fournie par les géants de la technologie comme Microsoft, BitDefender et le gouvernement américain permet de détecter les menaces et les tentatives d’attaques bien plus rapidement.
C’est la première fois que des membres des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) s’implique autant dans une guerre.
Dans les derniers mois, des groupes de hackers russes ont mené des cyberattaques assez importantes contre des entreprises de transport routier ou de chemin de fer actifs dans l’acheminement de matériel occidental
Face à la robuste cyberdéfense ukrainienne, les Russes ont changé leur stratégie durant l’automne 2022. Ils ont dirigé leurs efforts sur ce qu’ils ont appliqué le talon d’Achille des Ukrainiens : l’aide militaire internationale. « Dans les derniers mois, des groupes de hackers russes ont mené des cyberattaques assez importantes contre des entreprises de transport routier ou de chemin de fer actives dans l’acheminement de matériel occidental, notamment depuis la Pologne », indique Alexis Rapin, chercheur suisse en études stratégiques et diplomatiques de l’Université du Québec à Montréal.
Et d’ajouter : « Ils l’ont peut-être fait dans l’idée de perturber les livraisons occidentales ou simplement dans l’idée de les espionner pour avoir une meilleure idée de ce qui est acheminé, quand et comment ».
Déstabiliser l’opinion publique
Aux cyberattaques russes s’ajoutent la désinformation, les fausses nouvelles. « Les Russes cherchent aussi à éroder la sympathie et suscitent la méfiance envers l’Ukraine parmi le public occidental pour que les dirigeants viennent à craindre des politiques ou électorales s’ils retentissent à aider l’Ukraine », analyse Alexis Rapin.
Il est impossible de maîtriser les conséquences d’une cyberattaque. C’est irresponsable de participer à ce genre d’activités de part et d’autre
Concernant les hackers ukrainiens, il est difficile d’évaluer l’impact de leurs actions. Leur efficacité reste discutable. « Ce qui est inquiétant, c’est que ces outils sont également utilisés par des civils. Ils deviennent ainsi partie au conflit armé », indique Stéphane Duguin, directeur du CyberPeace Institute, une ONG basée à Genève.
Et de poursuivre : « Dans le cyberespace, il est très difficile de positionner clairement les objets militaires ou civils. Il est impossible de maîtriser les conséquences d’une cyberattaque. C’est irresponsable de participer à ce genre d’activités de part et d ‘autre' ».
Au-delà des frontières
Le volet numérique de la guerre se dirige désormais vers la désinformation et le cyberespionnage. Des domaines dans lesquels les Russes sont excellents depuis des décennies.
La semaine dernière, les États-Unis ont annoncé le démantèlement de Snake, un redoutable logiciel d’espionnage utilisé pendant vingt ans pour voler des documents confidentiels. Il aurait servi à espionner une cinquantaine de pays.
La cyberconflictualité qui s’oppose à la Russie à l’Ukraine dépasse donc largement leurs frontières.
Miruna Coca-Cozma/vajo